vendredi 5 août 2011

Quelque part au paradis des toros

Souvenir de "Montenegro" à la Belugue, chez Hubert Yonnet...

De la Madeleine 2011, il se dit dans les milieux autorisés que "la majorité des spectateurs sont ressortis satisfaits" (Sud-Ouest du jeudi 21 juillet). Bon...

Parmi les messages moins enthousiastes que nous avons reçu, il y a celui d'Hervé. Hervé est Montois. Hervé est Montois et les choses de la vie font qu'il vit désormais à Istres. Istres, c'est dans les Bouches du Rhône. Le N°13. Préfecture, Arles. Signe particulier : terre de taureaux. C'est bien aussi...

Hervé est trentenaire. Il était déjà trentenaire il y a quelques années.

Son texte s'intitule "Quelque part au paradis des toros" :


FRUCTUS – n° 219 – toro de Yonnet mort le 17 avril 2006 des mains de José Pedro Prados "El Fundi " aux arènes d'Arles :

–  « Bienvenue mon vieux ! Alors dis-moi, ça s’est passé comment ? »
                 
VARIO PINTO – n° 18 – toro de Garcigrande mort le 15 juillet 2011 des mains de Thomas Dufau à Mont-de-Marsan :

« C’était long, trop long. De toutes les façons, j’étais fatigué… Admettez, Monsieur Fructus, que mes frères ne m’ont jamais épargné. T’es vilain, chétif me lançaient-ils en cœur ! Invalide pour certains… Pendant quatre longues années, j’ai entendu cette vieille rengaine. Tous les jours. Eux, ils portaient beau… Cela dit, ils ont fait l’aller-retour à Madrid. Refusés ! Le patron a dit qu’il n’y remettrait plus jamais les pieds… Moi, vous savez, quand j’ai vu arriver le bus de Mont de Marsan, cet hiver, je me suis caché derrière eux, les grands pour Madrid. J’étais serein, avec mes petites cornes abîmées et mon problème de hanche…Pourtant, le petit à lunettes m’a tout de suite repéré. Il m’a même montré du doigt. Lui, je crois qu’il est dangereux, avec sa tête de premier de la classe. Les anciens m’ont avancé qu’il ne nous aimait pas. Vous voyez de qui je veux parler ? »

–  « Non. »

« Il emboîtait le pas d’une grande blonde, charmante, avec une veste en fourrure. C’est elle qui commande je crois. Mes frères m’ont dit que son ancien compagnon jouait fort bien au tennis, et qu’il était très apprécié en France. La mamie, à l’arrière, prenait des photos. Oh, vous savez, à considérer sa tenue, on a tous compris qu’elle n’était pas fille de la terre. Elle était venue en vacances, simplement. Ils ont discuté, pris deux notes sur un carnet et s’en sont retournés dans les Landes, vraisemblablement satisfaits. La suite, vous la connaissez. Ce voyage interminable, les corrales exigus, et puis cette faena, longue, longue… Moi qui n’avais jamais fait d’exercice ! 

Mais vous Monsieur Fructus, c’est quoi votre histoire ? »

« Oh moi, j’ai vécu comme un Roi à la Belugue. En plus de la commission taurine arlésienne, qui me visitait régulièrement, il y avait ce type, la trentaine, qui venait chaque semaine. Il garait son scooter le long du grillage, été comme hiver, et me regardait pendant des heures. J’étais grand, fort et brave, comme mes frères Crispinus, Luxurius et les autres. Je suis tombé en avril 2006, après un combat loyal contre José, un ami de la famille. J’ai voulu rendre un dernier hommage à Hubert en me battant comme un beau diable. Tu sais, ce dimanche, ils étaient tous là pour me voir. Ils m’aimaient, c’est sûr… Le gars avec le scooter, au dernier rang, je l’ai aperçu. Il a versé une larme je crois. Je leur devais bien ça...

Tu verras Vario Pinto, tu t’en remettras. Suis-moi, on va accueillir les prochains (...). »

Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite.

Hervé